Rencontre Gisèle Bienne

mardi 04 février
18h30

La Malchimie, récit

Gisèle Bienne a perdu son frère, son «petit frère». Sylvain était agriculteur, ou plus exactement ouvrier agricole, puisqu’il n’a jamais possédé d’exploitation à lui, la ferme paternelle est revenue au fils aîné. Pendant neuf mois, elle l’accompagne, de son hospitalisation à ses obsèques. Le récit tout entier – fier récit, intelligent, pensé – est organisé de telle sorte qu’on ne perçoive pas d’emblée le lien qu’il convient d’établir entre l’écrasante puissance des grandes firmes de l’agroalimentaire et les conditions de l’écriture, la résistance apparemment dérisoire qui consiste à se pencher sur des drames personnels comme sur de menues existences afin de les détailler.

« Dans quel monde sommes-nous ? Qui sait, qui peut savoir, dans quel monde nous vivons ? C’est invisible ».  Aux récits donc, comme celui sobre et dur de Gisèle Bienne, de refuser l’invisibilisation confortable et coupable, d’incarner la malchimie, cette peste qui a emporté Sylvain comme tant d’autres. Aux génies industriels de la propagande, Gisèle Bienne oppose de petites fables, une tourterelle, un escargot, un frère à l’agonie, autant de vies invisibles auxquelles elle donne la puissance de cette « secousse sismique » espérée,  « quand la lumière des projecteurs éclairera les coulisses des fléaux provoqués par ces produits ».

(Editions Actes Sud, 2019, Prix du roman engagé pour la planète – Mouans Sartoux, 2019.)

Gisèle Bienne vit et travaille à Reims. Elle est l’auteur de plusieurs romans en littérature générale et de deux essais, ainsi que des romans s’adressant à la jeunesse. 

Soirée animée par Catherine Rannoux, dans le cadre du Festival Bruits de langues de l’Université de Poitiers, et du Festival Filmer le travail